La légende de Merle-Haut, la colline aux merles
Il se raconte qu'il y a fort longtemps, aux confins des terres verdoyantes de la Dordogne et dissimulé aux regards ordinaires, se dressait un domaine où la nature semblait se plier à la volonté des étoiles. Ce lieu, connu sous le nom de Merle-Haut, était un endroit que seules les âmes en quête de sens et d'inspiration osaient atteindre.
Perché sur une colline veillée par le ciel, Merle-Haut dominait la vallée. Ses pentes boisées abritaient des merles qui, chaque matin, chantaient à l'aube des mélodies si douces qu'elles semblaient tissées de brume et de lumière. On disait que leurs chants étaient l'écho secret d'une langue très ancienne, oubliée, sifflée avant le monde, dans laquelle les promesses oubliées circulaient encore comme des filets d'or entre les feuilles.
Nul ne sait vraiment qui fut le premier à découvrir ce lieu. Certains murmurent qu'il y avait là un personnage au visage inconnu et au nom que nul n'eut jamais l'audace de prononcer, un porteur de mots capable d'écrire dans l'air avec sa seule voix. On raconte que ses paroles, lorsqu’elles s'élevaient, infléchissaient le cours du vent, faisaient ployer les herbes et suspendaient les pluies. Les merles, alors, le suivaient, l'un après l'autre, pour apprendre son langage, une langue sifflée, comme un souffle porté par les âges, une mélodie qui chantait les chansons perdues du monde, celles oubliées des hommes. Les merles, fidèles à leurs sonorités, les susurraient dans l'air, tissant des promesses oubliées, comme des chuchotis entre ciel et terre, recueillant ses syllabes perdues pour les répandre à l'aube sur la colline.
Il se dit aussi qu'à chaque Nouvelle Lune, un merle blanc plane sur les cimes de Merle-Haut, là où l'air devient souffle. Invisible au premier regard, il ne chante qu'aux oreilles de ceux qui ont laissé tomber toute certitude. Il serait, disent les Anciens, aux airs ce que le Coulobre fut aux eaux : gardien des seuils, créature rare aux ailes chargées de mémoire. Ce merle singulier ne vole pas : il veille, il traverse. Certains prétendent l'avoir aperçu un matin de brume, posé sur le faîte de la Cabane. Son chant, paraît-il, fait frissonner les pierres et éclore les silences.
Les voyageurs qui parvenaient jusqu'à Merle-Haut (souvent sans savoir ce qu'ils cherchaient) y découvraient un silence chargé d’invisible, comme un murmure oublié venu du cœur des choses. Là, l'air portait parfois un effluve singulier et envoûtant, celui du pétrichor, l'odeur du sang des pierres, quand la pluie réveillait la mémoire de ces terres anciennes.
Ce lieu, disent les récits immémoriaux, transforme ceux qui s'y arrêtent. Pas d'un coup, ni par magie. Mais lentement, à la manière dont le silence, à force d'écoute, finit par parler. À la manière dont un visage devient familier au fil des regards jusqu'à être aimé. À Merle-Haut, les mots effacés par le tumulte réapprennent à naître. Les gestes se font plus justes. Le souffle se pose et se réaccorde à celui du monde. Alors, ceux qui ont su écouter les merles, marcher lentement sur la colline, ou simplement s'asseoir sans hâte, repartent avec un éclat différent dans le regard, comme s'ils se souvenaient soudain d'un chant venu du fond des âges réveiller une langue qu'aucune bouche n'avait plus parlée depuis tant de lunaisons.
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